(Le Messager 15/06/2007)
Chassées des riches concessions minières vendues aux grandes sociétés, des milliers de petits exploitants miniers du Katanga creusent dans leurs parcelles et sous leurs maisons pour rechercher le cuivre et le cobalt. Reportage à Mutoshi, petite cité près de Kolwezi qui, depuis quelques mois, disparaît sous les coups de pioche…Une dizaine d’avenues éventrées qui laissent apparaître des nappes d’eau verdâtre ; d’autres encombrées de montagnes de remblais qui rendent impossible toute circulation ; des maisons détruites et englouties sous les amas de débris des minerais…
La cité de Mutoshi, dans la banlieue de Kolwezi, à 300 km au nord-ouest de Lubumbashi, est en train de disparaître de la carte. Depuis février 2007, elle est prise d’assaut par des milliers de creuseurs artisanaux chassés d’une riche carrière toute proche, qui porte le nom de la cité. Ne pouvant longtemps supporter de se tourner les pouces, ils se sont “attaqués” au sous-sol de cette cité des travailleurs, supposé renfermer, lui aussi, du cuivre et du cobalt.“ Ici, nous sommes à l’aise depuis qu’on nous a expulsés de la carrière Mwachetani (la partie la plus riche de la mine de Mutoshi, ndlr), explique Mpepo Ngoie, propriétaire d’une parcelle dont la maison est complètement rasée. Nous exploitons dans nos parcelles parce que ce sont nos terres ”. Son terrain de 30 m sur 20 a été transformé en puits d’extraction minière, que se partagent une dizaine de creuseurs.
“Ils ne peuvent pas parler car ils sont allergiques aux questions…”, ironise un témoin, qui affirme que chacun d'entre eux peut sortir jusqu’à trois sacs de 100 kg d’hétérogénite (mélange de cuivre et de cobalt) par jour, pour son propre compte ou pour celui des négociants.“On nous a ravi nos terres”La mine de Motoshi est une vieille concession abandonnée de la Gécamines (entreprise de l’État congolais en faillite). Surnommée “carrière d’eau verte”, elle était ouverte à l’exploitation artisanale depuis 2001. Elle a connu de nombreux éboulements de terrain avec mort d’hommes. En 2005, la Gécamines l’a cédée à une société australienne, Anvil Mining.À l’exemple de cette entreprise, des dizaines d’autres sociétés d’exploitation minière se sont ruées, ces dernières années, dans la riche province du Katanga, à la faveur d’un code minier controversé, signé au sortir de la guerre en 2002. Après avoir conclu de rentables contrats, ces sociétés à capitaux étrangers, dans lesquelles des autorités locales ont généralement quelques intérêts, chassent partout où elles prennent pied les petits exploitants artisanaux qui vivaient de la mine depuis la libéralisation du secteur sous Mobutu…À Mutoshi, ces infortunés mineurs n’ont guère eu le choix.
“ On nous a ravi nos montagnes et nos terres. Nous n’avons plus de boulot ! ”, tempête l’un d’eux. Pour vivre, ils se sont rués sur la cité où, en suivant les filons de minerais, ils ont petit à petit débouché sur des maisons d’habitation. “ Ayant compris qu’ils pouvaient trouver des minerais dans leur environnement immédiat, les gens ont commencé à creuser dans leurs parcelles, puis se sont attaqués aux avenues. Le phénomène a gagné toute la cité… ”, explique Mbayo Irodja, ancien bourgmestre de la commune de Manika.Une ville vouée à disparaîtreTravailleurs de la Gécamines pour la plupart, les habitants de la cité n’hésitent pas à casser leurs baraques pour se faire un peu de sous ou à céder une portion de leurs parcelles aux creuseurs venus de la carrière interdite. Selon la teneur en métaux, un sac de 150 kg d’hétérogénite rapporte entre 10 000 et 20 000 Fc (19 à 38 $).
Maisons entièrement ou à moitié démolies, avenues dévorées par les bêches et les pioches, la cité est progressivement vouée à disparaître. Mbayo Irodja regrette que tous les efforts déployés jusqu’ici pour arrêter l’avancée des creuseurs aient été inutiles. “ Avec le concours des services de sécurité et la police, nous avions tout fait pour sauver la cité mais en vain ”, se désole-t-il.Mutoshi qui abrite une centaine de familles n’est cependant pas encore totalement détruite. Quelques-unes y vivent encore dans un décor de décombres surréaliste. “ Nous le faisons pour survivre, explique l’un d’eux, Crispin Panga. Si l’on nous donne un autre endroit, nous allons arrêter. ”
Par Eliane Tshilobo (Syfia)
Le 15-06-2007 © Copyright Le Messager
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